Évolution du projet gouvernemental sur la fin de vie : vers une nouvelle loi bioéthique ?
Le débat sur la fin de vie en France s’inscrit dans une dynamique législative de long terme, marquée par des textes comme la loi Kouchner et la loi Claeys-Leonetti de 2016. Cette dernière, bien qu’utile, ne répond pas à tous les enjeux actuels. Une réflexion approfondie est menée pour adapter le cadre légal aux demandes sociétales et éthiques, dans un contexte où la question de l’autonomie des patients et des soins palliatifs reste centrale.
Une réflexion encadrée par le CCNE et la Convention Citoyenne
Le Comité Consultatif National d’Éthique (CCNE), avec la participation active d’Alain Claeys en tant que rapporteur, a publié un avis comprenant 40 recommandations, dont 8 réserves. Ce rapport, transmis au Président de la République, a conduit à l’organisation d’une Convention Citoyenne sur la fin de vie, coordonnée par le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE). Composée de 184 citoyens tirés au sort, cette initiative a permis de recueillir des avis diversifiés, formant un socle de réflexion pour l’Exécutif, qui s’est engagé à présenter un projet de loi.
Soins palliatifs et aide active à mourir
Les débats s’articulent autour de deux axes majeurs : le développement des soins palliatifs et l’encadrement de l’aide active à mourir.
Les soins palliatifs, malgré leur importance, demeurent insuffisamment développés en France. Moins de 20 % des citoyens ont rédigé leurs directives anticipées, ce qui reflète un déficit d’information et de sensibilisation. Certains établissements, comme le CHU de Poitiers, tentent de pallier cette lacune en employant des infirmières chargées de rappeler l’importance de ces démarches.
L’aide active à mourir, quant à elle, soulève des questions éthiques complexes. Deux situations distinctes ont été définies :
- Lorsque la personne est capable de formuler une demande, sous réserve que son pronostic vital soit engagé, ses douleurs réfractaires et sa maladie incurable. Un dialogue approfondi avec les professionnels de santé et les associations est alors requis pour vérifier son autonomie avant toute prescription d’un produit létal.
- Lorsque la personne n’est plus en mesure d’exécuter elle-même ce geste, une tierce personne peut administrer le produit létal, sous conditions strictes.
Les principes fondamentaux : autonomie et solidarité
La démarche s’inscrit dans une logique d’autonomie des patients, tout en assurant une égalité d’accès sur l’ensemble du territoire. Contrairement au modèle de l’Oregon, où le produit létal est pris en solitaire, le cadre français privilégie une approche collective et solidaire.
Le modèle de l’Oregon : une source d’inspiration et de débats
Le modèle de l’Oregon, établi en 1997 avec l’adoption du « Death with Dignity Act », est souvent cité comme une référence dans les débats sur la fin de vie. Cette loi permet aux patients atteints d’une maladie en phase terminale, avec une espérance de vie inférieure à six mois, de demander une prescription médicale pour un médicament létal qu’ils administrent eux-mêmes.
Ce cadre, qui a inspiré d’autres législations, notamment en Australie, repose sur un principe d’autonomie. Toutefois, il suscite des interrogations éthiques. Certains reprochent à ce modèle de laisser le patient seul face à sa décision, ce qui pourrait aller à l’encontre de valeurs comme la fraternité. Par ailleurs, l’Oregon a récemment supprimé l’exigence de résidence pour accéder à cette aide, ce qui pourrait encourager un phénomène de « tourisme du suicide assisté ».
Les statistiques montrent également une augmentation régulière des recours à cette pratique, alimentant les craintes d’une banalisation. Ces critiques soulignent l’importance de réfléchir aux implications sociales et humaines d’un tel cadre, qui, bien qu’efficace dans son fonctionnement, soulève des questions fondamentales sur l’accompagnement des patients et les responsabilités collectives.
Les défis du système de santé
Le développement des soins palliatifs exige des investissements financiers, mais aussi une transformation culturelle au sein du monde médical. La France ne compte actuellement qu’un seul professeur d’université spécialisé dans ce domaine, un chiffre qui témoigne de l’insuffisance des ressources allouées. Chaque établissement devrait disposer d’une unité de soins palliatifs, et une distinction claire doit être faite entre les soins d’accompagnement et les soins palliatifs, notamment pour les malades suivis à domicile.
Les aidants jouent également un rôle essentiel, souvent méconnu. Les soins d’accompagnement, par exemple dans le cas de maladies graves comme le cancer, devraient être initiés dès le début de la maladie, et non réservés à ses stades terminaux.
Une temporalité et un choix personnels
La réflexion sur la fin de vie inclut une interrogation philosophique : le choix entre vie et mort. Bien que la mort soit inéluctable, les positions des individus peuvent évoluer avec le temps, notamment lorsque l’échéance ultime se rapproche.
Un projet de loi attendu
Les conclusions de la Convention Citoyenne et les avis du CCNE, qui excluent certains cas comme les enfants et les malades atteints de la maladie d’Alzheimer, ont été transmis au Président de la République. L’Ordre des Médecins, de son côté, a fait évoluer sa position, témoignant d’une maturité croissante sur ces sujets sensibles.
L’Exécutif a annoncé qu’il porterait un projet de loi visant à concilier autonomie, solidarité et dignité humaine. Cette initiative répond à une demande sociétale forte et s’inscrit dans une volonté de mieux encadrer les pratiques autour de la fin de vie en France.
La dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024 a interrompu l’examen du projet de loi sur la fin de vie, qui visait à instaurer une aide active à mourir.
Toutefois, ce texte n’a pas été abandonné. La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a annoncé que les débats reprendront à partir du 27 janvier 2025.
Cette reprise témoigne de la volonté des autorités de poursuivre les réformes sociétales majeures, malgré les aléas politiques récents.