L’intelligence artificielle : un enjeu politique et sociétal majeur
Intelligence Artificielle : Un potentiel à canaliser pour éviter le pire
Les scénarios que dessine l’introduction de l’IA sont contrastés. Certains, porteurs d’espoir, envisagent un redéploiement des compétences, une amélioration des conditions de travail et une compatibilité accrue avec les impératifs environnementaux. Cependant, d’autres trajectoires s’annoncent inquiétantes : restructurations brutales, perte de savoir-faire, dégradation de la santé des salariés et impacts environnementaux non maîtrisés. Le choix entre ces chemins ne relève pas d’un déterminisme technologique, mais bien de décisions politiques et stratégiques : quelle IA voulons-nous ? Et surtout, à qui en confions-nous les clés ?
Favoriser une IA au service du collectif
Pour que l’IA devienne un outil au service de tous, les politiques publiques doivent jouer un rôle central. Cela signifie non seulement anticiper les risques, mais surtout investir dans des cadres favorisant les usages vertueux. Deux priorités émergent :
- Soutenir des formes de travail soutenables, en conjuguant performance économique, santé des travailleurs et développement continu des compétences. L’idée ici est d’intégrer l’IA comme une ressource complémentaire et non un substitut destructeur.
- Encourager l’exploration et l’enrichissement des savoirs, en utilisant l’IA pour ouvrir des champs d’innovation, tout en valorisant l’expérience humaine au cœur des processus de production.
Cependant, ces ambitions se heurtent à une réalité : la capacité d’apprentissage organisationnel des entreprises a stagné ces deux dernières années. L’obsession de l’optimisation et de la rationalisation a occulté l’importance du dialogue et de la co-construction. Le risque est de voir se multiplier des usages exclusivement pilotés par des impératifs économiques de court terme, au détriment de considérations sociales et écologiques.
Le dialogue social comme levier de transformation du travail
Pour que l’IA serve le bien commun, une approche participative est indispensable. Les projets d’intégration de l’IA doivent associer les salariés, en valorisant leur expertise du terrain. Par ailleurs, le dialogue social doit être renforcé : c’est lui qui permettra d’orienter les investissements vers des innovations réellement utiles et inclusives.
Or, l’absence d’action proactive pourrait nous précipiter dans des scénarios désastreux. D’un côté, des impacts humains et environnementaux exacerbés : conditions de travail détériorées, épuisement des ressources humaines et absence de régulation écologique. De l’autre, une concentration des marchés qui asphyxie la diversité des initiatives et renforce les inégalités.
Politiques publiques : un rôle d’arbitre et de catalyseur
Face à ces enjeux, les autorités publiques ne peuvent se contenter de spectatrices. Leur rôle est triple :
- Encadrer les dépenses de R&D, en s’assurant qu’elles se concentrent sur des innovations créatrices de valeur réelle, plutôt que sur des améliorations superficielles ou marketing.
- Réguler le management algorithmique, pour éviter des dérives de surveillance excessive et renforcer les droits des travailleurs.
- Agir pour l’égalité des genres et la justice sociale, en limitant les biais algorithmiques qui reproduisent, voire aggravent, les discriminations existantes
- Aligner l’IA avec les technologies vertes, afin de résoudre les contradictions entre progrès technologique et impératifs écologiques.
Sortir des discours pour agir
Enfin, il ne suffit pas d’énoncer des intentions. Il est urgent d’analyser les stratégies concrètes des entreprises et des institutions : quels projets ? Quelles pratiques ? Quels résultats ? L’IA ne peut être un simple levier de profit ; elle doit être pensée comme une infrastructure sociétale, façonnée par et pour l’intérêt général. Faute de quoi, nous risquons de voir se creuser davantage les fractures sociales, économiques et environnementales.